Le 9 septembre ! la nuit de la tragédie au Maroc et le début d’un grand questionnement …
Le sol a tremblé sous les montagnes de l’Atlas et le séisme a dévasté des villages entiers, frappant avec brutalité les communautés amazighs enracinées depuis des générations dans cette terre montagneuse. Ouirgane, un village niché entre les pentes et le lac, à 2h de route au sud de Marrakech, a vu ses bâtisses s’effondrer, ses ruelles se taire et ses habitants perdre bien plus que des toits. Face à cet événement, une question profonde est née : comment reconstruire sans trahir le lieu ?
Cette catastrophe marque un tournant, de construire sans effacer, penser à l’avenir sans oublier les enseignements du passé. C’est dans ce croisement du temps que s’inscrit mon projet de réhabilitation d’Ouirgane : un projet de mémoire et de résilience.
Le logement s’est imposé comme une priorité, dans un contexte où de nombreuses familles vivent actuellement dans des tentes. Pour cela, j’ai revisité le modèle de la maison à patio, une typologie profondément ancrée dans la culture locale.
Les maisons offrent une cour intérieure, des espaces modulables et deux entrées : l’une préservant l’intimité familiale, l’autre permettant l’accueil des visiteurs, en respectant les valeurs d’hospitalité locales. L’organisation intérieure est flexible, à l’image du salon marocain, espace polyvalent selon les moments de la journée. Dans cette région où le tourisme constitue une ressource majeure, la capacité à recevoir des visiteurs devient une opportunité économique.
Le projet s’organise autour d’îlots d’habitations et de places centrales végétalisées, suivant les courbes naturelles du terrain. Les circulations entre espaces publics, semi-publics et privés favorisent les échanges et renforcent le lien social. Un réseau d’espaces publics accompagne ces îlots : restaurant, buvette, espace festif, esplanade, souk et local administratif. Tous ces lieux s’articulent en un parcours qui mène au bord du lac.
Sur le plan écologique, des solutions d’autonomie adaptées aux ressources du site ont été mises en oeuvre. L’eau est captée par pompage solaire depuis le lac, puis redistribuée pour les usages quotidiens. L’ensoleillement permet une production d’énergie renouvelable via des panneaux solaires intégrés aux toitures, assurant une autonomie énergétique au village.
Consciente des risques sismiques, le projet repose sur des techniques de construction vernaculaire parasismiques durables, mêlant pierre et pisé, renforcés par des chaînages horizontaux en bois, assurant la résilience tout en respectant le caractère paysager du lieu. Ces techniques ont fait leurs preuves au fil des années, prônant l’usage de matériaux locaux et des façons de construire accessibles et transmissibles. Grâce à la solidarité et l’entraide ancrées dans la culture marocaine, ces techniques permettent une reconstruction avec le peuple, favorisant la continuité du savoir-faire.
Ce projet est né dans la douleur, mais il s’ancre dans la terre et dans le peuple. Il ne propose pas une simple reconstruction, mais un retour à l’essentiel: habiter ensemble, avec les ressources du lieu, les gestes d’autrefois et la solidarité d’aujourd’hui. À travers ce projet, j’ai voulu honorer l’héritage du peuple amazigh tout en l’inscrivant dans la dynamique de modernisation du Maroc, afin de bâtir un avenir sûr, durable et épanouissant pour les habitants.